Convoi Exceptionnel : original, drôle mais vain

Le retour d’un réalisateur iconoclaste après 9 ans d’absence, deux monstres sacrés du cinéma français, une intrigue fortement originale … Tout laissait présager du meilleur pour ce Convoi Exceptionnel, surtout avec à son bord un duo de fortes têtes, Depardieu et Clavier, sous la houlette de Blier. Quitte à nous faire croire qu’on serait revenu au temps des Valseuses ou de Tenue de Soirée ! Et pourtant …

Ce n’est pas tant son concept le problème,  fort, original, et pour ainsi dire très peu vu au sein du paysage cinématographique français. Ce dernier commence d’ailleurs très simplement : deux hommes se rencontrent dans la rue, en plein milieu d’un embouteillage, l’un trop rapide, l’autre trop gros et lent, Foster et Taupin. Ce dernier se fait embarquer par Foster, car une mission capitale les attend : tuer un homme ! Problème, Foster a le scénario, mais pas Taupin, ne comprenant ainsi rien aux situations, devant suivre à l’aveugle, sans conviction, et parfois improviser. Et là, on croit au retour du grand Blier, aux répliques qui fusent, qui tachent, au service d’un scénario cotoyant l’absurde, allant chercher dans les précédentes réalisations du cinéaste (on pense notamment aux Acteurs ou à son dernier film en date, Le Bruit des Glaçons), voire chez Quentin Dupieux, digne représentant du mindfuck dans notre cinéma hexagonal. En véritable OFNI (Objet Filmique Non Identifié), le spectateur se délecte des situations gaguesques dans lesquelles s’enferment les deux personnages (le meurtre, le bar…). Et se laisse même surprendre à une certaine émotion, le film alignant parfois des instants de grâce, par le jeu des comédiens, la beauté d’un plan ou la douceur de la composition originale de Benjamin Murat. On pense notamment aux interventions d’Alexandra Lamy, de Guy Marchand, ou alors la simple ouverture d’une boulangerie en plein milieu de la nuit.

Le souci, c’est que ce concept original s’étiole sur la durée. Pire encore, on a tout simplement l’impression que Blier ne maitrise plus son sujet, et ne sait qu’en faire sur les 20 dernières minutes. Quitte à complètement le laisser tomber. Là où les scénarios des différents personnages symbolisaient leur vie pendant la première heure du long métrage, métaphore d’autant plus forte quand ceux-ci leur donnaient un sens, ils disparaissent complètement par la suite. L’intrigue perd ainsi de sa force, de son éclat, le film de son charme. Et tourne même radicalement en rond sur la fin, quand on sait qu’il se termine par l’énumération de recettes de cuisine par Depardieu lui-même. Fort agréable certes, surtout de la bouche de cet épicurien sans limites, mais vraiment hors sujet.

Reste en soi un film somme toute agréable, au visionnage sympathique (bien qu’un deuxième n’aurait plus la même force), surtout grâce à la performance des deux comédiens principaux, visiblement ravis de se retrouver après le triomphe d’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. Mais bien loin du film impertinent et complètement barré, aux allures d’objet culte, qui aurait signé le grand retour de Bertrand Blier.

À découvrir actuellement au cinéma LE KLUB à Metz Centre

Par Kévin BELUCHE