Édito #5 : Les médias locaux et régionaux sont-ils menacés ?

L’annonce, le 30 janvier dernier, de la liquidation judiciaire sans poursuite d’activité du groupe France Antilles, éditeur d’un quotidien en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, doit être entendue comme un signe loin d’être anodin ou isolé. Outre sa mission d’informer, ce quotidien avait la lourde charge d’être aussi une passerelle sociale et interculturelle dans une société ultramarine complexe et sous tension permanente. Et cette dimension sociétale n’est pas le propre de ces territoires éloignés de nos prismes métropolitains.

 

La disparition d’un média d’information, de surcroît local ou régional, est un recul de la démocratie. Et il faut s’en inquiéter. Autre époque autres mœurs me direz-vous et bien non, on ne peut se résoudre à ce constat. Dans plusieurs régions des États-Unis où les quotidiens locaux ont disparus on y observe une forte baisse de la participation aux élections, une montée en charge très forte des populismes et une poussée des tensions sociales voire raciales.

 

Que deviendrai notre pays sans ce contre point que constitue la presse qu’elle soit papier, audiovisuelle ou numérique ? Il ne saurait y avoir de liberté sans liberté de la presse, mais encore faut-il que celle-ci puisse avoir les moyens de son existence. Certes, il ne s’agit pas de comparer la France à un régime autoritaire ou dictatorial et à leurs méthodes, mais néanmoins à y regarder de plus prêt on constate que, dans la patrie des droits de l’homme et de la liberté, les grands groupes de presse écrite et audiovisuels sont tous détenus par des groupes industriels dont les vocations premières n’ont rien à voir avec les missions d’informer.

 

Les quotidiens et en particulier en région connaissent des difficultés, c’est un secret pour personne. Les causes en sont multiples et les réponses apportées pas encore toutes trouvées. De leur côté, les télévisions locales (plus de 50 en France), ces grandes oubliées du Paysage Audiovisuel Français, sont dans une précarité économique qui ne leur donne pas toute l’autonomie et la sérénité nécessaires. Elles sont trop dépendantes du bon vouloir de subventions publiques locales et de marchés publicitaires difficiles. Aux côtés d’une presse écrite, qu’elle soit quotidienne ou hebdomadaire, ces « petites télévisions » ont, sur les territoires, un rôle important à y jouer. Si elles contribuent activement à l’élargissement de l’offre média et donc au pluralisme de l’information, elles donnent aussi la parole à tous ceux qui font la vie des territoires. Cette France, qui n’est pas toujours entendue et qui a donné naissance à des revendications exprimées parfois violemment ces derniers mois. Il serait irresponsable de ne pas les comprendre. Tous ces médias dit « de proximité » contribuent à réduire les fractures sociales et territoriales que connaît aujourd’hui notre pays. Il est urgent de regarder cela avec la plus grande attention et de donner à ces rouages indispensables à notre démocratie les moyens d’exister et de remplir pleinement leurs missions. Ce qui vient de se passer aux Antilles devrait nous ouvrir d’avantage les yeux.

 

Par Caton