La Guerre des Bouchons

« Dans l’univers du vin, on évoque les cépages, le terroir, l’environnement, alors je pense qu’il faut aller au bout et maintenir le naturel du début à la fin… jusqu’au bouchon. (…) Je préfère le côté naturel du liège avec ses défauts potentiels à la perfection des bouchons synthétiques, c’est ma philosophie », explique Gregory Viennois, directeur technique chez Laroche, domaine phare de l’appellation Chablis en Bourgogne. En effet, plébisciter le vieux bouchon, c’est avoir le sentiment de perpétuer une tradition. Mais qui n’a jamais été confronté à la déception de la bouteille de vin bouchonnée spécialement gardée pour l’occasion ? Une déconvenue qui concernerait environ 4% des bouteilles de vin dégustées.

 

Nom du coupable ? Le TCA ou trichloroanisole, une composante chimique responsable de ce goût de moisi caractéristique, fabriquée par des moisissures nichées dans le liège en présence de composés chlorés, les chlorophénols. Les professionnels prennent alors le problème très au sérieux, d’autant plus que de nombreux domaines, exaspérés par cette situation, se tournent vers des solutions alternatives. Quelles sont-elles ?

 

Nous pouvons tout d’abord commencer par la capsule à vis, idéale pour les vins jeunes, technique d’ailleurs utilisée par le domaine Laroche cité ci-dessus par exemple (même pour ses grands crus), Elle offre de nombreux avantages outre la diminution du risque de goût de bouchon : une ouverture simplifiée, une étanchéité parfaite, un stockage simplifié et un rebouchage aisé. Mais si elle est plébiscitée outre Atlantique, ce n’est pas vraiment le cas en France, où cette dernière reste le parfait synonyme d’un vin de moindre qualité. Et oui, à croire que les idées reçues domineront toujours le monde de l’œnologie !

 

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Le bouchon synthétique connaît une forte progression ces dernières années.

 

Pour autant, d’autres procédés de bouchage progressent, comme le bouchon synthétique, connaissant une forte progression ces dernières années. Développé pour des vins de consommation rapide (pouvant être gardés jusqu’à 3 ans), il est fabriqué à partir d’un dérivé du pétrole et est moins coûteux que le liège. Mais il n’est pas sans défaut : il manque encore pour beaucoup d’entre eux la souplesse nécessaire des bouchons traditionnels, capable de se dilater dans le col de la bouteille afin d’empêcher toute entrée de l’air, et sont parfois difficiles à extraire avec un tire-bouchon. De plus, une oxydation néfaste et des arômes de pétrole pourraient survenir sur le gout du vin après 18 mois de conservation. De manière plus récente, l’opercule en verre gagne du terrain. Idéal pour une garde courte, ce mode de bouchage s’adresse à des vins haut de gamme et permet un rebouchage hermétique et à volonté. Mais là aussi un revers de médaille est présent : un coût de fabrication nettement plus élevé que les autres modes de bouchage.

 

Si ces alternatives au bouchon de liège permettent de réduire considérablement les risques d’avoir un vin bouchonné, nous voyons bien que ces modes ont également des défauts, et n’empêchent pas foncièrement et de manière irrévocable ce risque. Si ce défaut vient très souvent de bouchons de mauvaise qualité, d’autres conditions indépendantes peuvent y participer, notamment de mauvaises conditions de stockage ou de transport, une cave trop humide présentant des moisissures, ou encore un problème de traitement de bois des fûts. Par conséquent, même si elles se développent de manière plus importante, ces solutions ne remplaceraient pas définitivement le bouchon de liège, qui reste hautement privilégié pour les grands vins ou vins de garde, notamment les rouges.

 

Souple et élastique, il s’agit d’un produit 100% naturel et recyclable, aux qualités organoleptiques incomparables. Et les investissements entrepris par bon nombre d’entreprises laissent à penser que la fin du goût de bouchon serait toute proche. Par exemple, la société Amorim, principal producteur de bouchons de liège dans le monde, a récemment mis au point une technique qui analyse et détecte en quelques secondes les bouchons contenant plus de 0,5 nanogramme/litre de TCA, seuil de détection de l’odeur par le nez humain. Soit l’équivalent d’une goutte d’eau dans le volume de 800 piscines olympiques ! Une bonne nouvelle pour les producteurs de liège. D’autant plus qu’une récente étude demandée par la Fédération française du liège fait ressortir que 87% des français associent bouchon de liège et vins de qualité. Et c’est tant mieux !

 

Par Kévin Beluche, responsable communication chez Metz Vins