Grâce à Dieu : quand la réalité rencontre la fiction

Quand François Ozon s’empare de l’actualité et de l’affaire du diocèse de Lyon, cela donne « Grâce à Dieu », un film coup de poing magistralement interprété dont on ne sort pas indemne.

 

« Grâce à Dieu, ces faits sont prescrits ! » C’est par ces mots hallucinants prononcés par le cardinal Barbarin lors d’une conférence de presse, faisant allusion aux actes pédophiles perpétrés par le père Preynat sur plusieurs jeunes garçons dans les années 80, que François Ozon eut l’idée de son nouveau film. Hésitant à en faire d’abord un documentaire, il va se tourner vers la fiction, en changeant quelques noms et faits, et même de méthode de travail. Car en grand habitué des sujets mettant les femmes à l’honneur, le réalisateur français change de cap en filmant le masculin blessé, « les hommes qui pleurent » selon ses propres mots. Et il va composer une véritable fresque en 3 actes, à travers le parcours de 3 personnages et leur combat personnel face à cette affaire, et leur volonté de guérir leurs blessures trop longtemps enfouies.

 

Nous commençons par Alexandre (Melvil Poupaud), fervent catholique, homme marié, père modèle de 5 enfants, voulant faire tomber uniquement le père Preynat ; nous enchaînons avec François, formidable Denis Menochet qui, quasiment la même année, a enchaîné les rôles de bourreau (Jusqu’à la Garde) et de victime. Ce dernier veut au contraire faire tomber le système entier, tout en apportant toute son aide aux victimes (d’où la création du site « La Parole Libérée »). Enfin, nous terminons par Emmanuel, sans doute le plus touché psychologiquement par ces actes, ne réussissant nullement à se reconstruire. Le passage d’un personnage à un autre se fait de manière linéaire, en parties distinctes, appelé « dilution de la fonction sujet » dans le langage cinématographique. Ce procédé tend ainsi à mettre les trois personnages sur le même plan émotionnel vis-à-vis du spectateur, chacun apportant sa pierre à l’édifice, convergeant vers une même fin, et dynamisant ainsi un récit formidablement mis en scène.

 

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De gauche à droite : Denis Ménochet, Eric Caravaca, Swann Arlaud et Melvil Poupaud.

 

Car en plus de plans très soignés, Ozon a bien plus construit son film à la manière d’un thriller qu’un drame psychologiquement pesant (dont les français ont d’ailleurs souvent le secret). Haletant dans sa manière de filmer les personnages dans leur combat, chaque pas en avant est synonyme de victoire, tant du côté des personnages que des spectateurs en total empathie avec ces derniers. Tout comme chaque petite défaite mettant les nerfs à rude épreuve, notamment certaines disputes familiales où les acteurs livrent une incroyable palette de jeu. Et où la fin, faisant lien directement avec l’actualité et l’issue de la procédure judiciaire, agit comme un véritable coup de massue !

 

« Papa, tu crois toujours en Dieu ? » La question, tel un réquisitoire, martèle le spectateur en fin de séance. Comment continuer à croire en une puissance divine quand ses principaux représentants côtoient le mal ? Grâce à Dieu laisse le champ libre. Et c’est peut être ça sa grande force : sa sobriété, sa justesse, et le plus bel hommage que l’on puisse faire aux nombreuses victimes. Un grand film !

 

À découvrir actuellement dans les salles du Klub à Metz Centre et au Kinepolis à Saint-Julien-lès-Metz.

 

Par Kévin Beluche

 

Voir la bande-annonce du film :