Joker : Que Joaquim « Dark » Phoenix court chercher son oscar !

Qui l’eut cru ? Qu’un film adaptant l’une des figures les plus célèbres de la pop-culture ait une telle aura critique auprès de la presse ? Qu’un film ayant un lien avec l’univers des comics remporte un prix prestigieux dans un festival de cinéma ? Qu’un réalisateur habitué aux comédies potaches provoque une hype rarement atteinte chez le public ? Joker, c’est un peu tout ça à la fois. Une surprise qu’on était impatient de voir, et qu’on ne demande qu’à revoir ! Un grand film !

 

Et cela est palpable dès les premières secondes : après l’ouverture de l’ancien logo de la Warner des années 70, on y voit Joaquim Phoenix, face à son miroir, se grimant en clown pour son boulot, se tirant les babines au maximum afin d’y dessiner un sourire. Sourire on ne peut plus forcé, comme l’atteste la larme coulant de son œil gauche, et gâchant ainsi son maquillage. Par la combinaison de ces deux effets, ce plan reflète à lui seul l’âme de ce Joker : le désespoir du monde à l’origine de la fêlure. Essayer de tenir bon et de sourire par-dessus tout à une société ne provoquant que malaise et désespoir. Quitte à en devenir complètement fou !

 

En cela, par son propos, Joker frappe très fort. Véritable doigt pointé sur les dérives de notre monde moderne, le film s’inspire très fortement de ses ainés en leur rendant un vibrant hommage. Sydney Lumet tout d’abord, à travers un de ses meilleurs films, NetWork, main basse sur la télévision, par son rapport aux médias et l’information perçue comme juste et incontestable ! Martin Scorsese surtout, sa boîte étant d’ailleurs à la production du film. La dénonciation du monde du spectacle et du divertissement télévisuel, dont le seul succès réside dans la moquerie permanente, évoque son King of Comedy (La Valse des Pantins en français) avec d’ailleurs Robert de Niro en personnage principal. La présence de ce dernier au générique de Joker constitue ainsi bien plus qu’un clin d’œil puisqu’il y joue l’exact opposé : de victime cherchant les paillettes à tout prix, il est ici un gourou, père des téléspectateurs, dictateur de l’émotion. Sa représentation de Gotham ensuite évoque le New York de Taxi Driver : crasseux, pourri jusqu’à la moelle, symbolisé par la délinquance et les nombreux déchets et poubelles dus à une grève des éboueurs. Bref, une atmosphère réaliste et terriblement anxiogène pour un film qui, bien qu’entretenant un lien étroit avec l’univers des comics, réussit par conséquent à s’en détacher, et à proposer cette histoire originale. Histoire du coup magistralement mise en images par Todd Philips, ayant déjà prouvé ses capacités de réalisateur satirique avec son précédent long métrage War Dogs, traitant le commerce illégal des armes à feu. Par sa photographie exemplaire (le plan final restera dans les mémoires !), son utilisation à juste raison et non gratuite des plus grands tubes des années 70, et surtout sa direction d’acteurs.

 

 

Car on ne peut parler de Joker sans évoquer sa direction artistique. Retrouver De Niro dans un rôle (enfin !) à sa démesure est grisant ! Tout comme voir Brett Cullen proposant un Thomas Wayne arrogant et irresponsable, qui s’éloigne donc de l’image traditionnelle que l’on se faisait du père de Batman. Et que dire de Joaquim ?! Chacun s’amusera à le comparer aux précédentes interprétations du personnage. Mais là n’est pas le but, car chaque acteur y a mis de sa personnalité, son grain, pour donner sa vision du prince du chaos. Et autant dire que celle de Phoenix peut être un accès direct aux prochains oscars tant son interprétation, sa performance, son incarnation est extraordinaire. Glaçant dans ses éclats de rire incontrôlés. Hilarant dans une scène de meurtre maniant formidablement bien l’humour noir. Pitoyable et soulevant l’empathie lorsqu’il reçoit des coups. Et surtout terrifiant sur le capot d’une voiture de police, galvanisé par une foule qui l’acclame, les bras en croix après avoir dessiné son sourire avec son propre sang. Le prince du chaos est là !

 

S’il manque parfois un chouïa de subtilité, résultante d’une volonté imposée par les producteurs de tout expliquer aux spectateurs afin de ne pas les laisser sur le carreau, Joker est un film à voir absolument ! S’éloignant du conformisme habituel et de plus en plus propre aux films de super héros, il propose une histoire originale, ancrée dans un réalisme des plus forts et symptomatique de notre époque, sublimé par la prestation de Phoenix ! Un grand film qu’on vous dit !

 

À découvrir actuellement au cinéma Klub à Metz Centre et Kinepolis à Saint-Julien-lès-Metz.

 

Par Kévin Beluche