Les Chatouilles : film choc pour une expérience salvatrice

A priori, un titre comme Les Chatouilles laisse augurer une puissante légèreté : des guili-guili rieurs, parfaitement représentatifs de l’enfance, de moments de complicité entre proches et amis, de cette insouciance empreinte en chacun de nous. Il n’en sera rien : car les fameuses chatouilles du film cachent en réalité un mal, et dont les victimes, qui n’en ressortent pas indemne, mènent un combat quotidien pour garder la tête haute. En effet, il s’agit des attouchements, des gestes et actes de violence sexuelle perpétrés par un quadra bien sous tout rapport (mari aimant, père de trois garçons, vieil ami de la famille) envers une mineure. Cette jeune fille, c’est Odette, qui enfermera au fond d’elle-même ce secret pendant de longues années, passant par de nombreuses étapes crues pour tenter de l’oublier (alcool, drogues…) et qui finalement se servira de la danse pour l’expulser. Non s’en débarrasser, mais avancer, se reconstruire.

 

Car Les Chatouilles est l’adaptation d’un seul en scène sous la forme d’un spectacle où la danse est au centre de la dramaturgie. Il est interprété par Andrea Bescond, qui raconte sa propre histoire, et qui ainsi se retrouve en tête d’affiche, devant et derrière la caméra avec son compagnon Eric Metayer. Forte et battante, Bescond insuffle au long métrage l’exact reflet de sa personnalité. Car de ce traumatisme éprouvant, où certaines scènes restent tout de même difficilement regardables, les réalisateurs choisissent d’en faire un film bourré d’énergie, et très audacieux dans sa mise en scène. Avec un mode de narration original, construit sur des échanges entre Odette et sa psychiatre, le film alterne souvenirs et scènes actuelles, reconstruction imagée et réel. Une belle idée de réalisation dynamisant le récit, et entraînant des séquences où le spectateur doute quant à la temporalité et véracité de certaines scènes (celle de la prison en tête).

 

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Cyrille Mairesse joue le personnage d’Odette enfant © Stéphanie Branchu

 

De plus, pour désarçonner l’extrême gravité du sujet, et ne pas enfermer Les Chatouilles dans la catégorie « drame lourd et pesant », les réalisateurs se permettent même l’introduction d’humour, soit par le biais de souvenirs fantasmés (le danseur étoile vulgaire) soit par des dialogues incisifs et bien écrits. En cela, le film affiche sa volonté de s’éloigner des lieux communs, et évite les pièges de la prévisibilité. Par exemple, il n’y aura aucune confrontation directe entre le bourreau et la victime, voire la famille de la victime, là où bon nombre de films auraient appuyé ce genre de scène par un aspect mélodramatique. De même, la séquence au tribunal a de quoi désarçonner par son manque concret (et voulu !) de substance filmique, mais se révèle bien plus efficace dans son dénouement.

 

En définitive, Les Chatouilles est un film important. Audacieuse, innovante et renforcée par un casting quatre étoiles à l’interprétation sans faille, cette autobiographie est une expérience salvatrice, non seulement pour son auteur, mais aussi et potentiellement pour toutes les victimes de pédophilie et de violences sexuelles et leurs familles. En somme, un message d’espoir et de soutien !

 

À découvrir actuellement dans les salles Le Klub à Metz Centre et Kinepolis à Saint-Julien-lès-Metz.

 

Par Kévin Beluche

 

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