« L’Inconnu » en ciné-concert à la BAM ce jeudi

À l’occasion du ciné-concert consacré à « L’Inconnu » de Tod Browning, François Narboni, compositeur et actuel directeur du Conservatoire de Thionville et qui a composé la musique autour de ce film, évoque les raisons du choix de cette œuvre qui jouit d’une réputation considérable dans le monde des cinéphiles.

 

François, tout d’abord pourquoi avoir fait le choix de ce film, L’Inconnu ?

Parce que c’est un beau film, un film très étonnant avec un sujet complètement fou pour un film des années 20. Pour des raisons esthétiques également, et puis pour l’histoire. On m’en avait parlé il y a longtemps et j’avais trouvé l’histoire assez incroyable et je n’avais pas cherché à le voir parce que ce genre de vieux film n’est pas évident à trouver. Et au moment où on m’a proposé de faire un ciné-concert je me suis dit « tiens je vais essayer de retrouver la trace de ce film ». Je l’ai vu ensuite sur un DVD en bonus d’un autre film très célèbre de Tod Browning qui s’appelle Freak. J’ai trouvé la version longue complète de 65 minutes aux Etats-Unis car en France il n’y avait que la version de 47 minutes.

 

Comment avez-vous procédé pour créer une musique autour d’un film de 1927 ?

Comme c’est un film muet et qu’il n’y a pas de son, il faut tenter de créer du son, de faire parler les personnages, d’animer musicalement le climat et les ambiances qui sont un peu particulières dans ce film. C’est très inspirant en fait, les visages en noir et blanc sont très expressifs, les gestes assez marqués, assez théâtral. Après chacun travaille à sa manière, ce n’est pas une musique de film comme on ferait aujourd’hui avec un réalisateur où on se met d’accord, on enregistre, on mixe… Là c’est vraiment une musique sur le film, et même parfois contre, par exemple lors d’un moment calme j’aime bien mettre une musique qui peut être violente, qui anticipe ce qui va se passer ensuite, ou qui rappelle ce qu’il y a eu avant. Ce qui m’intéressait c’était de confronter deux univers, celui de la musique contemporaine de 2018 et un film de 1927, l’année de l’arrivée du cinéma parlant d’ailleurs.

 

Combien de temps vous a pris le processus de création de la musique de L’Inconnu ?

Ça m’a pris un an. Il y a la partie instrumentale, la partie électronique. Et puis il faut vraiment travailler au chrono, à la fraction de seconde pour caler l’image sur le son. Après c’est aussi beaucoup de répétitions, cela fait six mois qu’on répète. Au niveau du tempo c’est un gros boulot.

 

Pour le public qui n’a encore jamais assisté à un ciné-concert, à quoi doit-il s’attendre ?

C’est une double expérience, l’expérience d’un concert avec une musique assez particulière, une musique d’aujourd’hui et puis un film aussi particulier mais d’il y a très longtemps. Grâce à cela avec des publics scolaires on parvient à leur faire découvrir le muet, la musique en concert, les instruments en live et c’était très enrichissant ils sont toujours très contents. Je pense que cela apporte quelque chose, la musique marche bien avec l’image, je me suis vraiment imprégné du film, j’ai travaillé sur chaque plan. Je l’ai vu aujourd’hui sur le grand écran de la BAM et je pense que ça va fonctionner.

 

Combien de musiciens vous accompagneront ?

On est 6, c’est mon ensemble, l’ensemble François Narboni. Il est à géométrie variable selon les projets. Je serai au vibraphone et puis je déclenche les séquences électroniques, il y a aussi un clavier synthétiseur, et entre eux deux un quatuor à cordes. Vraiment une formation classique, deux violons, alto et violoncelle. Ça mélange percussions, claviers et cordes à des instruments d’aujourd’hui, à des sons synthético-électroniques, et à ce qui est vraiment la quintessence de la musique chambre classique qu’est le quatuor à cordes.

 

Propos recueillis par Thibaut Goetz