Grand Corps Malade : "les migrants sont avant tout des êtres humains"

Fabien Marsaud alias Grand Corps Malade fait son grand retour dans les bacs le 16 février prochain avec un nouvel album intitulé « Plan B« . Rencontre avec celui qui a élevé le slam au rang d’art, et qui a également connu le succès avec son film « Patients », inspiré de son histoire personnelle.

 

Quelle a été votre source d’inspiration pour votre sixième album « Plan B » ?

C’est vraiment un album personnel, avec mes propres histoires, et tout ce que j’observe autour de moi. C’est à la fois personnel mais avec d’autres thèmes plus ouverts sur le monde actuel. C’est le résultat de tout ce que j’ai engrangé dans un coin de ma tête ces deux dernières années. Il n’y a pas qu’un fil conducteur dans cet album, j’aime mélanger les humeurs, je ne veux pas quinze titres dans la même ambiance. Il y a des choses très légères, drôles, d’autres plus graves, plus tristes, c’est un mix de tout ça. Que ce soit dans un film, un album, ou un concert, j’aime bien transmettre des émotions différentes, comme dans la vie !

 

Un nouvel album, une tournée, et une possible nomination pour les Césars avec Patients, l’année 2018 commence sur les chapeaux de roue pour vous…

Oui on a de grandes chances d’être nommé dans la catégorie « Meilleur premier film », Pablo (Pauly) notre acteur principal a également ses chances de figurer dans la catégorie « Espoir masculin » mais rien n’est officiel encore, les nominations ont lieu le 31 janvier. On va tourner un deuxième film cette année, on a déjà terminé le scénario et on va préparer le film en parallèle de la tournée et on s’arrêtera en août et septembre pour le tournage. La tournée reprendra après et elle va durer au moins un an et demi.

 

Quel sera le sujet de ce nouveau film ?

Il va parler d’un collège de banlieue parisienne. On va suivre le destin des élèves et des adultes de ce collège, afin de s’interroger sur le système éducatif, dans les ZEP notamment. C’est le succès critique de Patients qui vous a poussé à retourner derrière la caméra ? Non c’est d’abord le plaisir qu’on a eu à le faire qui m’a donné envie de recommencer. L’aventure Patients a été géniale de bout en bout. Avec Mehdi (Idir), le coréalisateur, on a de nouveau écrit le scénario ensemble. Evidemment, avec le succès en salle de Patients ça nous a aidé à trouver des producteurs et à financer le film, ça facilite les choses.

 

Votre tournée démarre en Lorraine, à Saint-Avold le 27 janvier précisément, c’est le hasard ou un choix de votre part ?

C’était un rêve de gosses (rires). Non je plaisante, c’est le hasard mais en fait ce sont les salles de Lorraine qui se sont manifestées les premières. Du coup on commence par la Lorraine et par l’Alsace, on est dans la dernière ligne droite des préparations pour être au point le 27 janvier pour la première date.

 

Votre précèdent album était sorti peu de temps avant les attentats du 13 novembre. Vous êtes très attaché à la ville de Saint-Denis qui s’est retrouvée mêlée à ces funestes événements, comment vous avez vécu tout ça ?

Je l’ai vécu de manière douloureuse comme tout le monde. Il y a plein de choses qui nous rattachent à ça, comme le Bataclan par exemple où j’ai joué à six reprises. Je connais des gens qui avaient des proches à la technique dans la salle pour le concert. Evidemment le Stade de France aussi ça m’a touché car je connais le lieu par cœur. Personne ne peut rester insensible à de tels drames et à cette folie humaine. Je me rappelle que le lendemain du 13 novembre, j’étais en concert en région parisienne, on a hésité à le faire et puis on s’est dit qu’on devait y aller quand même. Il fallait relever la tête pour défendre notre liberté d’expression, et cette envie qu’on a de faire de la musique. C’était une période très dure, et on espère ne jamais revivre de telles atrocités.

 

Cela vous a influencé dans l’écriture de ce nouvel opus ?

Je ne sais pas, j’avais écrit après les attentats de Charlie Hebdo, dès le lendemain, quasiment dans la nuit même. Cela m’a sans doute influencé de manière inconsciente, mais je n’ai pas de thème directement inspiré des attentats de novembre 2015. Mais tout ce que l’on vit, et ça ce n’est pas rien, cela nourrit des choses en nous.

 

Il y a une chanson intitulée « Feu Rouge » dans votre nouvel album, elle raconte le quotidien des migrants arrivés en France. Est-ce que vous trouvez que notre pays perd de plus en plus son côté humaniste ?

C’est vraiment l’objet du texte oui, ce côté humaniste. On parle des migrants, on parle des réfugiés comme d’une grande masse : « LES migrants, LES réfugiés ». Et puis on parle surtout de chiffres : « ils sont plus de 500 000, on doit en garder 100 000, on doit en régulariser tant… ». Les chiffres circulent mais on oublie que l’on parle d’êtres humains. Et dans ce texte j’ai voulu m’interroger sur ces gens qu’on voit au feu rouge, des fois on leur donne une pièce, souvent on n’en donne pas, et cette fois on s’arrête sur le regard de ces personnes. Et derrière ce regard, il y a un être humain, il y a une jeune fille qui vient de Syrie et qui a vécu l’enfer, elle a failli mourir des dizaines de fois pour quitter son pays. L’idée c’était de prendre le temps de se rappeler que ce sont avant tout des êtres humains.

 

Vous êtes impliqué dans l’association « Sourire à la vie » qui s’occupe d’enfants gravement malades, c’est important de donner de votre temps pour eux ?

Bien sûr, il y a plein de belles causes nobles qui méritent qu’on y consacre du temps. Et celle-ci me tient particulièrement à cœur, les enfants malades il n’y a quand même pas grand-chose de plus injuste que ça. C’est terrible de se dire qu’à même pas dix ans, certains se retrouvent avec des cancers très graves. J’ai la chance de pouvoir m’impliquer et de me rendre utile. Je suis parrain de l’association mais ce n’est pas simplement un nom sur une affiche. Je suis régulièrement avec les gamins, on monte des spectacles et j’aide évidemment l’association à trouver des financements. Ils le méritent car ils font un travail remarquable.

 

Thibaut Goetz

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