Jacques Mercier, toujours dans l’avenir

Après avoir dirigé sa dernière à la baguette de l’Orchestre National de Lorraine à l’Arsenal dans sa ville natale de Metz vendredi dernier, le chef d’orchestre Jacques Mercier est déjà tourné vers de prochaines aventures. Et toujours en musique bien sûr.

 

C’est la veille de l’été, et les températures à Metz commencent enfin à ressembler à celles attendues pour la saison : « On ne va pas s’en plaindre » lâche Jacques Mercier. Lui qui a pris pour habitude de se frotter à celles, autrement plus suffocantes, de la péninsule italienne. Le maestro vient tout juste de terminer son petit déjeuner à la terrasse des Trappistes sur la place de Chambre. Détendu et prolixe, les sujets défilent comme les allers et venues du serveur des lieux et son plateau.

 

Avant d’aller à Reims ce mercredi soir, il s’est confié sur l’avenir, après avoir tiré sa révérence à la scène messine il y a quelques jours : « Pour l’année prochaine j’ai d’autres projets. Ils ne sont pas tous encore concrétisés, mais ils sont plein d’intérêt. Je ne veux pas rester inactif ». Avant tout de même de concéder être désormais libéré d’un poids : « C’est évident que je suis bien content de ne plus avoir à charge une entreprise comme ça. C’est quelque chose de très lourd ».

 

De là à parler de soulagement ? « Je ne sais pas si je peux parler de soulagement. Le problème c’est que je suis toujours dans l’avenir, je ne me pose pas de questions. Ce sera tout de même un soulagement de ne plus avoir d’horaires fixes à respecter, et d’avoir à faire vivre une entreprise. Je dis entreprise dans l’acception la plus noble, c’est-à-dire le fait d’entreprendre quelque chose. C’est déjà difficile artistiquement mais humainement aussi, un orchestre c’est un groupe social qu’il faut faire vivre. Tout est imbriqué, tout est lié. On fait pas simplement de l’art on fait de l’humain d’abord ».

 

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Un Européen convaincu

 

Après 16 ans à la tête de l’Orchestre National de Lorraine, Jacques Mercier a pu faire ses adieux sur la Neuvième de Beethoven. Le tout devant un Arsenal comble et avec une standing ovation à la hauteur de son talent. En se remémorant ces instants, Jacques Mercier répond avec l’humilité qui le caractérise : « C’est étonnant car on m’a dit que cela allait être un moment émotionnel très puissant et je vais vous répondre oui et non. Je dirai qu’en fait tout se passe a posteriori, j’ai peut-être un esprit qui fonctionne en escalier… C’est après que je vais me dire « Bon sang c’était incroyable, c’était fou ! » Mais c’est vrai que ces 14 et 15 juin derniers étaient deux belles soirées. Voir l’Arsenal plein et debout, ça fait toujours plaisir quand même. Ce n’est pas toujours comme ça que cela se passe, parfois on sort rapidement par la petite porte. Il est vrai que je sors par la grande, avec un certain plaisir mais sans prétention aucune ».

 

Pour lui qui baigne dans la musique depuis toujours, l’essentiel est ailleurs : « Je suis peut-être trop modeste ou réaliste. Le fait qu’on me rende un hommage, c’est avant tout parce que les choses ont fonctionné. Et puis parce que je laisse un héritage en bon état de marche et ça c’est essentiel ».

 

Né au sortir de la Seconde Guerre mondiale (le 11 novembre 1945), Jacques Mercier est particulièrement attentif aux questions concernant l’Europe, une Europe actuellement de plus en plus divisée : « La 9ème de Beethoven véhicule un message humaniste et fraternel : enlacez-vous et faites la paix. Et c’est devenu l’hymne européen, alors j’ai un peu obligé le public à réécouter cet hymne européen, parce que je crois fort à l’Europe. Même si tel qu’elle est actuellement elle ne correspond pas à comment elle a été conçue. Elle est devenue trop mercantile, c’est du marchandage. Ce qu’avait dit Jean Monnet était intéressant quand on lui posait la question « L’Europe ? Si j’avais su j’aurai commencé par la culture. » Mais elle existe cette Europe culturelle, en revanche la conception de l’Europe est devenu trop anglo-saxonne à mon avis. Il aurait fallu commencer par l’aspect social ».

 

Le temps file et le maestro prend congé, non sans avoir réussi à faire partager en très peu de temps sa passion et son enthousiasme intact. Et au moment d’évoquer une éventuelle retraite, Jacques Mercier nous propose sa vision de la sienne : « Il est question d’activités, mais plus contrôlées et plus espacées qu’avant ». Entre l’adagio et l’andante en quelque sorte.

 

Par Thibaut Goetz