Bad Boys For Life : un doux retour aux nineties

Rien ne laissait présager de bon dans ce nouveau Bad Boys ! 17 ans après un second épisode ultra testostéroné et dopé à la connerie pure (mais diablement jouissif – merci Michael Bay !), dire que ce nouvel opus a connu des difficultés de mise en route relève de l’euphémisme. Problème de production, divergence artistique avec le précédent réalisateur Joe Carnahan (qui a écrit le scénario), remplacement à la va-vite par un duo venu tout droit du plat pays… Bref, l’envie de reculer doucement face à ce long-métrage supplantait celle de se précipiter dans les salles ! Et pourtant : quelque chose fonctionne effectivement très bien dans ce nouveau Bad Boys !

 

Bien sûr les défauts ne manquent pas, essentiellement notables durant la première heure, résultante des problèmes cités ci-dessus. Si le plaisir de retrouver nos deux flics aux méthodes brutales et expéditives est intact, la mise en forme de ces retrouvailles ne provoque guère d’étincelles : réalisation peu inspirée (filtres à couleur pour accentuer la chaleur de Miami, caméra plutôt statique, plans en grand angle…), blagues tombant souvent à plat… Mais la principale pénibilité de cette première partie, qui nous saute aux yeux et qui ne fera que se confirmer tout le long des 124 minutes du long-métrage, reste le traitement réservé à nos deux flics, et le grand déséquilibre qui en découle. En effet, et libre à vous de penser que votre serviteur tombe dans la paranoïa la plus primaire, et a un différend à régler avec l’intéressé surtout après la mauvaise critique de Gemini Man, mais les faits sont là : la part belle est indéniablement réservée à Will Smith ! Coproducteur du film, et responsable de l’éviction de Joe Carnahan, le scénario ne tourne qu’autour de son personnage, que ce soit par le biais de l’intrigue et de son lien avec l’antagoniste, mais aussi le développement de son personnage, bien plus important vis-à-vis des deux précédents opus, et les scènes d’action qui lui sont réservées de façon quasi-exclusive. Quid de son partenaire, Martin Lawrence ? Il se cantonne au cabotinage et aux sketchs risibles au vue de sa nouvelle situation familiale (son envie de raccrocher après être devenu grand-père). Bien sûr, le côté sidekick comique lui a traditionnellement été attribué, mais toujours dans la préservation d’un équilibre efficace, et surtout essentiel dans le genre du buddy-movie, un des vecteurs de qualité des deux premiers épisodes. Cet équilibre est désormais rompu uniquement pour un Will Smith encore en plein exercice de narcissisme !

 

Mais rassurez-vous : si cet aspect peut également vous rebuter, les deux réalisateurs, après un début laborieux, montrent enfin ce qu’ils ont sous le capot. Et libre au film de décoller ! Tout d’abord, leur amour envers leurs personnages. Si l’on met de côté le déséquilibre évoqué ci-dessus, il est évident qu’ils sont heureux de travailler avec ces deux flics, en respectant notamment les plans iconiques les ayant fait connaître (le 180 degrés rotatif lorsqu’ils se mettent debout), leurs habitudes (chanter leur hymne) mais surtout en développant leur relation par le biais de la nostalgie et du poids du passé. Soit un aspect apportant un nouveau regard sur le tandem. Le titre lui-même fait écho à cela : Bad Boys For Life. Les personnages secondaires ensuite : la galerie de personnages reste bien écrite, et loin de jouer uniquement les faire-valoir : l’équipe de jeunes flics en tête, mais surtout les deux antagonistes, dont la personnalité (et non l’objectif) a suffisamment d’originalité pour s’éloigner des standards. Ensuite, et c’est assurément le point fort du film : leur amour du genre du film d’action. Armé d’un budget de « seulement » 90 millions de dollars (soit deux fois moins que le deuxième opus), les morceaux de bravoure, assurément variés car rassemblant fusillades, combats à mains nues et courses poursuites, sont agréablement emballés, filmés dans une sobriété bien caractéristique des années 90, et à des années lumières de la vulgarité et folie excentrique du deuxième Bad Boys. De très bons faiseurs donc, pragmatiques et capables de gérer efficacement le budget alloué, et seulement après une expérience limitée dans le monde du cinéma (rappelons qu’il ne s’agit que de leur troisième film).

 

Par ce respect des deux films passés, et du genre en lui-même, les deux réalisateurs Adil El Arbi et Bilall Fallah délivrent un produit dégageant un doux parfum nineties, et nous faisant replonger plusieurs années en arrière, où les films d’action, bien que formatés eux aussi, avait ce côté artisanal et sincère qui emportait de façon quasi automatique l’adhésion des spectateurs. Attention toutefois à ce que toute l’équipe ne tombe dans la facilité actuelle des suites à gogo : car un Bad Boys 4 est déjà sur les rails. Wait and see !

 

À découvrir actuellement au cinéma Kinepolis Saint-Julien-lès-Metz.

 

Par Kévin Beluche