« En Guerre » disponible en Blu-Ray

Après La Loi du Marché, le duo Brizé-Lindon se retrouve pour En Guerre, brûlot politico-social et véritable coup de poing, évitant les pièges du misérabilisme. Profitons de la sortie DVD/Blu Ray pour nous replonger dans un des films les plus forts de 2018 !

Sorti en 2015, La Loi du Marché fut déjà une excellente surprise. Ayant valu à Lindon le prix d’interprétation au Festival de Cannes 2015 et un césar l’année suivante (rien que ça !), le film illustrait la crise économique et sociale actuelle à travers les yeux d’un individu éprouvant bon nombre de difficultés à décrocher un emploi. Quitte à en accepter un le confrontant bientôt à un dilemme moral. Trois ans plus tard, Stéphane Brizé, pour leur 4e collaboration, refait appel à son acteur fétiche pour En Guerre, dépeignant la lutte acharnée de syndicalistes voulant sauver leur usine de la vente, et ainsi sauver plusieurs centaines d’emplois.

Avec un autre point de vue de la crise économique, teinté à première vue d’un certain militantisme, on aurait pu craindre une énième variation d’une lutte des classes type David Contre Goliath, avec d’un côté le diabolique patronat, capitalistes sans foi ni loi dont le seul intérêt est l’expansion de leurs bénéfices financiers, et de l’autre les gentils ouvriers, tentant le tout pour le tout pour sauver leur emploi, préserver leur famille et leur vie. Il n’en est rien, et c’est justement là que réside la plus grande force de En Guerre : l’absence de tout manichéisme. Chacun des deux camps a ses faiblesses, ses écarts de conduite, parsemés tout le long du métrage, essentiellement à cause de discussions vaines, n’aboutissant qu’à une hausse de l’incompréhension, et d’un conflit toujours plus violent. En somme, un manque cruel de dialogue, duquel aucun des deux côtés ne sortira véritablement indemne, à l’image du spectateur. Ce dernier, renforcé par une réalisation quasi documentaire, sera au plus près des personnages, de leurs émotions. Jamais des scènes de négociation entre patrons et ouvriers n’auront été aussi puissantes que celles de En Guerre ! Jamais les disputes entre collègues de travail n’auront été empreintes d’un tel réalisme. Le film réussit ainsi à trouver un équilibre convaincant entre authenticité et pure fiction. Si toutefois l’on accepte ses dernières minutes, un poil trop radicales face à la pertinence de l’ensemble.

Et dans cette bataille qui semble perdue d’avance s’illustre de manière magistrale Vincent Lindon. Il n’interprète pas : il est. Il transcende ce personnage de meneur syndicaliste, tour à tour enjoué et furieux, solidaire et agacé, mais toujours engagé. Il n’efface pas pour autant les personnages secondaires, quasi tous des non-professionnels : il les porte, les sublime, en fait de formidables partenaires de jeu, notamment lors des nombreuses joutes verbales. A tel point que de le voir repartir bredouille du dernier Festival de Cannes où le film était en compétition semble totalement incompréhensible. Mais peu importe finalement.

Car En Guerre est un instantané de notre époque. Un constat choc, brutal et virulent, aussi frappant qu’un uppercut en plein estomac. Un film prenant et essentiel, que l’on se doit de voir ! Car ça sert aussi à ça le cinéma : illustrer quelques vérités qui font terriblement mal, et qui demandent en conséquence matière à penser. Et à agir !

Le film est disponible depuis le 6 octobre dernier sous trois éditions : une édition DVD, Blu Ray classique et Blu Ray édition spéciale FNAC. Excepté les commentaires audio du réalisateur de l’édition DVD et Blu ray classique, nous vous recommandons de vous précipiter sur l’édition FNAC. En plus de bénéficier de l’apport HD, vous trouverez une édition plus fournie en matière de bonus. Outre le commentaire audio, vous trouverez une discussion avec Stéphane Brizé et sa directrice de casting au sujet de la distribution des rôles (23 min), et un entretien avec Frédéric Lordon (16 min), directeur de recherche au CNRS et spécialisé dans l’économie. On aurait toutefois aimé retrouver une interview de Vincent Lindo sur la préparation de son rôle, ou bien un making-of nous décrivant la réalisation de ce long-métrage.